Après avoir accueilli depuis octobre 2015 des centaines et des centaines de sujets de discussions labohémiennes, notre bon vieux Forum laisse désormais sa place à un tout nouvel espace de discussion pour les labohémien‧ne‧s: le « Dix-cordes ».
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Ce sujet a 66 réponses, 8 participants et a été mis à jour par Lilly
@lillyb, il y a 3 ans.
Si tu ré-inventais la terre
Songerais-tu à lever océans et soleils
A convoquer les saisons
A mettre au monde les hommes?
Si tu ré-inventais la terre
Logerais-tu mêmes fièvres dans leurs entrailles
Mêmes arcanes dans leurs cœurs
Dans leur souffle les mêmes dieux?
Si tu ré-inventais la terre
Romprais-tu l’épée des supplices
Contiendrais-tu les crues de la haine
Changerais-tu les soupçons en bienfaits?
Si tu ré-inventais la terre
Redresserais-tu les décrets du sang
Abrogerais-tu la mort nécessaire
Provoquerais-tu d’autres alchimies?
Si tu ré-inventais la terre
Drainerais-tu les plaies de nos batailles
Absorberais-tu nos vides et nos sanglots
Répandrais-tu l’ivresse d’exister?
A.chedid
Ça fait quelques temps qu’on n’a pas mis les jolis mots d’Andrée Chedid ici
Alors je remédie à ça :À PERTE DE VUE
A perte de vue
Regarde
Si les rives t’établissent
Ton fleuve coule à la mer
Plus d’un être te secourt
Tu parcours plus d’un songe
Tu jalonnes le plus proche
Tu t’abreuves au plus loin
A perte de vue
Déchiffre
Enracine la durée
Dans le vif de l’instant.
Le JE de la poésie est à tous
Le MOI de la poésie est plusieurs
Le TU de la poésie est au pluriel…
Silence à vivre
Certaines tombes ne jaunissent pas
Certaines fins multiplient le vertige
Certains départs s’adossent à la fraîche souffrance
Certains corps brûlent à tous les âges du nôtre
Certaines paroles bouleversent
Tout le silence à vivre.
Je me déchiffre dans les marées le va-et-vient des ombres
Je me nomme du nom des noyés
Tout s’écarte
Les sables rongent
Puis d’un signe
Je me délie
Je suis lauriers et certitude
Le chant plane
L’éclair me tient.
Andrée Chedid
Gorgée de terre
Peuplée d’espace
Parlant tout notre visage
Poésie
Tu ne cesses de venir
Tu ratures les abris
Tu enjambes les empreintes
Rebelle aux pièges du temps tu décapes les jours
Et nous
Soudain à l’écoute
Soudain surgis des heures rivales
Soudain hors du sommeil sans îles
Soudain abolissant l’écart
En mille milliards de oui
Nous frayons passage à ta voix
Ainsi raccordés à la parole
Nous voici
Te voici :
Où la terre est une
Où le cœur du cœur assaille
Où la vie advient.
Au fond du visage
Ce n’est pas en une fois
Que je saurai ton visage
Ce n’est pas en sept fois
Ni en cent ni en mille
Ce ne sont pas tes erreurs
Ce ne sont pas tes triomphes
Ce ne sont pas tes années
Tes entailles ou ta joie
Ni en ce corps à corps
Que je saurai ton corps
Ce ne sont pas nos rencontres
Même pas nos désaveux
Qui élucident ton être
Plus vaste que ses miroirs
C’est tout cela ensemble
C’est tout cela mêlé
C’est tout ce qui m’échappe
C’est tout ce qui te fuit
Tout ce qui te délivre
Du poids des origines
Des mailles de toute naissance
Et des cloisons du temps
C’est encore cette lueur :
Ta liberté enfouie
Brûlant ses limites
Pour s’évaser devant
Ça fait un trop long moment que nous n’avons pas mis la poésie de Madame Andrée Chedid, donc bah je vais y remédier 😂
Pas de clef à la poésie
Pas de ciel
Pas de fond
Pas de nid
Pas de nom
Ni lieu
Ni but
Ni raison
Aucune borne
Aucun fortin
Aucun axe
Aucun grain
Mais ce souffle
Qui s’infiltre
Dans l’étoffe des âmes
Pour délier leurs saisons :
Peuple d’hirondelles
Au regard pénétrant
A la vue déployée.
Pour nos Labohémiens en voyage à New York… Imaginez vous assis à l’arrière d’un yellow cab, regardant défiler le paysage de la grosse pomme où notre chère Andrée y a écrit Entrée de New York sous l’orage :
Surgissant des trottoirs la pluie des gratte-ciel incise à rebours l’averse s’élance vers des fragments d’espace
Les trombes d’eau
se rabattent sur la ville
heurtent ces
Goliaths de pierre
qui surplombent le marécage humain
Au sol
l’éclat safran des taxis
perce la confusion des hommes et de la brume
Parcours linéaire
Signalisations casquées
Rues sans nom
Exaltation du chiffre
La foule
fantôme aux épaules rognées
se délaie dans l’aqueuse grisaille
Entre les parois jaunes du véhicule
le cuir s’écaille
les sièges s’éventrent
les mégots s’entassent
Derrière la vitre pare-balles qui rompt l’échange la nuque du conducteur barre l’horizon
Je parle
je questionne
Les sons patinent sur le verre
Je crie des mots
pour exister
pour franchir la glace
pour raccorder nos mondes
La nuque demeure d’acier
J’appelle
J’appelle plus fort
L’homme
enfin
se retourne
Et m’offre
sa face
comme une bouée!
Tandis que la ville
se trouble sous les rafales d’eau
Que ses images chancellent sous l’ondée
la machine vorace
engloutit entre ses quatre roues
la langue d’asphalte
Nos mots d’ici nos mots d’ailleurs s’abordent se rejoignent apprivoisent la cité :
Gerbe ou taupinière de béton
Inflexible géographie du siècle
Métropole
que l’œil rejette
dont l’œil s’éprend
New
York
Aux carrefours de l’exploit et des terreurs
des fièvres et du prodige
auquel on résiste
auquel on consent
Vitre rabaissée entre nous
Les paroles vont et viennent
Qu’importent à présent
averses menace pierres ou plomb!
Secouru par l’échange le souffle s’apaise le regard s’amarre
Etranger résonne comme un prénom.
Les jolis mots de Madame Andrée Chedid
Il y a des matins en ruine
Où les mots trébuchent
Où les clefs se dérobent
Où le chagrin voudrait s’afficher
Des jours
Où l’on se suspendrait
Au cou du premier passant
Pour le pain d’une parole
Pour le son d’un baiser
Des soirs
Où le coeur s’ensable
Où l’espoir se verrouille
Face aux barrières d’un regard
Des nuits
Où le rêve bute
Contre les murailles de l’ombre
Des heures
Où les terrasses
Sont toutes
Hors de portée.
– Par-delà les mots (1995)
Encore un (bin OUI ça fait un moment que j’en avais pas mis 😉)
Le poème
Sans cesse
Au vif de soi
S’amorce le poème
Miroir de l’instant
Fragment du désir
Écho du cri
Creusant l’os jusqu’à la moelle
Transperçant jusqu’à l’âme l’habit
Rouvrant les portes de l’espace
Soulageant les égarements de l’esprit
Le poème
Se rue sur nos pages avides
Explorant à la fois
Toute la flamme
Et toute l’eau.
A.Chedid
La Vie Voyage
Aucune marche
Aucune navigation
N’égalent celles de la vie
S’actionnant dans tes vaisseaux
Se centrant dans l’îlot du cœur
Se déplaçant d’âge en âge
Aucune exploration
Aucune géologie
Ne se comparent aux circuits du sang
Aux alluvions du corps
Aux éruptions de l’âme
Aucune ascension
Aucun sommet
Ne dominent l’instant
Où t’octroyant forme
La vie te prêta vie
Les versants du monde
Et les ressources du jour
Aucun pays
Aucun périple
Ne rivalisent avec ce bref parcours
Voyage très singulier
De la vie
Devenue
Toi.
A.Chedid
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