Pour nos Labohémiens en voyage à New York… Imaginez vous assis à l’arrière d’un yellow cab, regardant défiler le paysage de la grosse pomme où notre chère Andrée y a écrit Entrée de New York sous l’orage :
Surgissant des trottoirs la pluie des gratte-ciel incise à rebours l’averse s’élance vers des fragments d’espace
Les trombes d’eau
se rabattent sur la ville
heurtent ces
Goliaths de pierre
qui surplombent le marécage humain
Au sol
l’éclat safran des taxis
perce la confusion des hommes et de la brume
Parcours linéaire
Signalisations casquées
Rues sans nom
Exaltation du chiffre
La foule
fantôme aux épaules rognées
se délaie dans l’aqueuse grisaille
Entre les parois jaunes du véhicule
le cuir s’écaille
les sièges s’éventrent
les mégots s’entassent
Derrière la vitre pare-balles qui rompt l’échange la nuque du conducteur barre l’horizon
Je parle
je questionne
Les sons patinent sur le verre
Je crie des mots
pour exister
pour franchir la glace
pour raccorder nos mondes
La nuque demeure d’acier
J’appelle
J’appelle plus fort
L’homme
enfin
se retourne
Et m’offre
sa face
comme une bouée!
Tandis que la ville
se trouble sous les rafales d’eau
Que ses images chancellent sous l’ondée
la machine vorace
engloutit entre ses quatre roues
la langue d’asphalte
Nos mots d’ici nos mots d’ailleurs s’abordent se rejoignent apprivoisent la cité :
Gerbe ou taupinière de béton
Inflexible géographie du siècle
Métropole
que l’œil rejette
dont l’œil s’éprend
New
York
Aux carrefours de l’exploit et des terreurs
des fièvres et du prodige
auquel on résiste
auquel on consent
Vitre rabaissée entre nous
Les paroles vont et viennent
Qu’importent à présent
averses menace pierres ou plomb!
Secouru par l’échange le souffle s’apaise le regard s’amarre
Etranger résonne comme un prénom.