Alors que Matthieu Chedid a tout récemment partagé sur ses réseaux sociaux la pochette, la tracklist et un premier extrait de son nouvel album Lettre Infinie, qui sortira en le 25 janvier 2019, Meremptah s’est penché sur ces 1ers éléments dévoilés. Il nous livre une analyse sensible qui parvient déjà à percer quelques secrets… Décryptage de haut vol.
Article initialement publié sur www.2yeuxet1plume.com, le 28 Novembre 2018
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A quelques semaines de Noël, Matthieu Chedid nous fait un présent: l’annonce d’un 6ème album studio, dont la sortie est programmée au 25 janvier 2019, ayant pour titre : Lettre Infinie. Il en a dévoilé la pochette, au symbolisme riche (cf. suite de l’article), un premier extrait (‘Superchérie’), et les crédits (que vous retrouverez intégralement en pied d’article). Certes, l’album n’est pas encore entre nos mains. Mais si l’on s’accorde le temps de l’immobilité, de la contemplation, on décèle dans ces premiers éléments l’affirmation d’une ambition plus qu’artistique, que les précédents projets de l’artiste faisaient poindre discrètement et que celui-ci révèle pleinement : proposer une voie vers la Lumière, au sens du bonheur.
C’est ce voyage que je vous propose, muni des seules informations dont nous disposons tous – je n’en sais, pour l’heure, pas plus que vous -, pour tenter de percer quelques uns des secrets d’un disque-laboratoire conçu comme un coffre au trésor… intérieur.
Peut-être ces quelques clefs, nées de la seule réflexion personnelle, permettront-elles à celles et ceux qui en éprouvent le désir de découvrir, en janvier prochain, toutes les richesses de , accessibles à qui s’aventurera au-delà de la « supercherie » qu’est l’apparente simplicité des titres qui le composent.
Lettre Infinie : un disque d’ouverture à l’Autre
Ecouter, recevoir … être ouvert. La première clef du bonheur. Matthieu Chedid nous propose un album de rencontre(s), de celles qui brisent les verrous artistiques et permettent de se renouveler, de se transmuter, de se remplir. Lettre Infinie nous donne à voir, au travers de l’impressionnante liste des artistes ayant participé à cette aventure, l’un des fils rouges de la carrière de -M- : sa capacité d’ouverture.
Des noms familiers émergent des crédits de l’album. Au premier rang desquels le batteur Cyril Atef (présent sur 2 morceaux du disque), et le violoncelliste Vincent Ségal (qui pose ses cordes sur 4 titres). Ces musiciens de génie, qui forment ensemble le groupe Bumcello, sont les plus emblématiques des premiers compagnons de routes de Matthieu Chedid, l’ayant accompagné sur ses 3 premiers disques, et ses 3 premières tournées, dans un power trio mémorable. Mais aussi l’ami de longue date, Pierre Boscheron, qui a mis en son de nombreuses « ambiances sonores » de Lettre Infinie, comme il le fit sur le Baptême ou Je dis aime. Marcel Kanché, le parolier de « Qui 2 nous 2 », qui co-signe ici « L’Autre Paradis ». Brigitte Fontaine, parolière sur « L’Alchimiste » (titre clef de l’album, cf. suite du présent billet), qui avait donné vie à l’essentiel des textes de l’album Mister Mystère. Olivier Lude, le fidèle ingénieur du son des premiers opus, qui a supervisé pour Lettre Infinie l’enregistrement des parties de Cyril et Vincent. Ou encore Philippe Zdar (du groupe Cassius) et Brad Thomas Ackley, co-producteur de Îl et musicien sur les deux dernières tournée de -M-.
Et puis il y a les récents – et nouveaux – embarqués dans la galaxie Chedid. Thomas Bangalter, moitié des Daft Punk, dont la griffe marque du signe de l’évidence et du groove le single « Superchérie », et qui signe les arrangements de la 12ème piste de l’album. Et Pierre Juarez, l’indispensable surdoué, qui réalise l’album, comme il le fit pour Lamomali, et y intervient, en multi-instrumentiste, sur 6 titres. Alex Courtes, aussi, qui signe le visuel du disque, un design qui comme l’album, simple en apparence, dissimule une pluralité de sens, dont cet article en dévoilera quelques uns.
Surtout, il y a les essentielles. L’amoureuse, la « superchérie », à laquelle au moins une autre des 13 chansons de l’album est directement dédiée. Et la fille, l’absolue, Billie, dont la voix résonne sur 8 titres, assurant les chœurs féminins comme le fit autre fois sa mère, sur les premiers disques de Matthieu. L’Amour, comme fil conducteur, en filigrane de cette Lettre infinie : la seconde clef du bonheur.
Renverser, décrypter, au-delà de l’écume
Lettre infinie, dans la continuité de l’album expérimental La B.O.²M, invite au voyage intérieur. Et à la contemplation active. Il y a, dans les textes des titres déjà dévoilés (« Superchérie », bien sûr, mais aussi « Logique est ton écho », étrennée en public lors de la Marche pour le climat du 13 octobre dernier), une apparente simplicité. Les paroles y apparaissent ludiques : les mots y sonnent, à l’anglo-saxonnes, et s’y soustraient à la phrase. Quelques critiques, figés sur l’écume des choses, ont cru déceler, au travers des textes des précédents opus, une certaine facilité dans la plume de Matthieu Chedid. Invitons les à relire Nietzsche, qui écrivait : « Tout ce qui est profond aime le masque ».
Le masque, ici, est dans le premier niveau de lecture, naïf. Mais « un mot est hanté par tous les mots qui lui ressemblent », nous disait le poète Michel Butor. Et -M- le sait, lui qui ne les manipule pas au sens classique du terme, mais nous invite, par quelques indices évidents (Superchérie / Supercherie) à appliquer à l’ensemble de ses textes l’art du renversement (Museum de femmes fatales / Muse et homme, deux femmes fatales) , à s’aventurer au-delà du sens premier, à décrypter – au sens de « sortir de la crypte ». La pochette du disque est ici un manuel à destination de celles et ceux qui désireraient savourer l’album dans toute sa densité, et en retirer quelque chose pour eux-mêmes : observée « à l’endroit », elle nous indique où l’or se cache, sous une pluralité de couches qu’il nous faut ôter une à une, dans les mots et en nous, pour accéder à la compréhension pleine et, par la « sublimation », y rencontrer – ou, y devenir – « l’Être infini ».
La musique, même, de « Superchérie », est une invitation à l’immobilité et à la contemplation : sous l’écorce de son apparente répétitivité se cachent de subtiles variations, d’audacieux arrangements, que seule l’oreille tendue, à l’écoute véritable, saura repérer.
Le symbolisme de Lettre infinie : une invitation à la quête spirituelle
A cet instant du présent billet, je vous sais dubitatif. Matthieu Chedid -M- n’est-il pas cet artiste animal, instinctif, cette bête de scène, que nous connaissons-tous ? Ne préfère-t-il pas l’écriture automatique à la réflexion littéraire, lui qui confiait, en 2006, « je n’ai jamais cultivé l’écriture, je ne suis pas un orfèvre de la chanson ». Laissez moi vous convaincre de l’immense profondeur de l’oeuvre à venir – pour ne pas écrire le « Grand Oeuvre » -, à travers les quelques éléments dont nous disposons déjà.
Il y a, tout d’abord, ce chiffre 13 qu’il affectionne tant. Les 13 lettres du titre de l’album, qu’il prend soin d’individualiser sur la couverture du disque, pour mieux nous inciter à en faire le compte. Les 13 pistes de l’opus, bien sûr, dévoilées sur toutes les plateformes de streaming et dont vous retrouverez la liste en pied de billet. Les 13 bandes bleutées figurant sur la pochette (par bandes, nous entendons celles « capturées » par d’autres, encadrées de noir). Et, bien sur, la lettre « M », 13ème lettre de l’alphabet, répétée ici à l’infini.
Pourquoi ce chiffre, généralement considéré comme symbolique du malheur ? Sûrement parce que, guidé par ses racines, Matthieu y associe son sens oriental. Le chiffre 13 était, dans l’Egypte antique, dont il a redécouvert les vestiges au printemps dernier, celui, justement, de « l’absolu », de la transmutation, du renversement. Les Égyptiens considéraient l’existence comme une échelle, dont la vie d’étirait sur les 12 premier barreaux, le 13ème étant celui du passage à une existence spirituelle supérieure, au bonheur véritable.
Dans le chemin de vie de Matthieu Chedid, le 13ème barreau – entendez ici la 13ème piste de l’album – est sa fille, Billie. Son tremplin vers l’immortalité et le bonheur, comme nos enfants le sont pour nous tous.
Le symbolisme s’observe aussi dans la forme de base travaillée par Alex Courtes pour construire le design de Lettre infinie : le triangle. Observez cette pochette, les angles aigus des « M » emboîtés, les ailettes du « M » noir inférieur, les sourcils de Matthieu, et même, en vous rapprochant davantage, en « contemplant », les détails de la coiffe dorée portée par l’artiste, écho au kepresh des pharaons, objet à la symbolique renversante (cf. plus bas).
Le triangle est partout, sur ce visuel d’une densité folle. Comme il l’est, symboliquement, dans la nature, utilisé par de nombreuses civilisations pour figurer les éléments primordiaux, le feu (F), l’eau (O), l’air (R), la terre (T)… Chedid ne signifie-t-il par « FORT » en arabe, comme l’ont chanté Louis, Matthieu, Anna et Joseph en 2015? Profil des pyramides, utilisé pour représenté la stabilité, mais aussi la féminité – véritable fil conducteur de l’oeuvre de Matthieu -, le triangle est une nouvelle invitation, ici visuelle, à décrypter l’album à venir, à en guetter les sens – l’essence – cachés.
Rectifier, pour trouver la « pierre cachée »
En d’autres termes, Lettre infinie semble beaucoup puiser dans la symbolique alchimique, comprise non comme la quête d’un « or » matériel, mais comme celle de la Lumière (« aor » ou « owr » en hébreu, dont on a aussi tiré les mots « or » et « amour »). La pochette, ainsi comprise, fait figure d’illustration de la maxime de l’alchimiste Basil Valentin, Visita Interrioram Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem, que l’on pourrait traduire ainsi : « visite l’intérieur de la terre (de toi) et, en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée ». Les « M » emboîtés figurent les couches de passions et de souffrances (souffre rance) dont il faut se départir pour se connecter à la pierre cachée, l’Etre infini, entendu ici au sens d’être Soi, au-delà du Soi, en se départissant de l’égo. Appliquer à sa vie la quête du sens caché des mots, développée plus haut, pour mieux s’ancrer à ce qui en fait l’unité…comme une troisième clef vers le bonheur.
Le 8ème titre de l’album, écrit par Brigitte Fontaine, n’a-t-il pas pour titre « l’Alchimiste », le 8 étant, par sa forme, le nombre de l’infini ? Comme une manière d’indiquer qu’il serait, sinon « l’Être infini », du moins un guide pour l’atteindre, en puisant dans son enseignement ? L’Alchimiste, c’est Patrick Burensteinas, un proche de Matthieu Chedid, qui co-signe par ailleurs les paroles de la 11ème piste du disque, « Si près Si » (Si précis).
Maître de la « langue des oiseaux », ce parler volatil perçu comme une fenêtre ouverte sur l’inconscient, consistant à enrichir d’un sens caché des mots ou ensembles de mots, le plus souvent par jeu d’homonymies (persévérez => percez et vous verrez), Patrick Burensteinas a exercé, plus que tout autre, une influence fondamentale sur l’évolution du rapport de Matthieu au verbe – et au bonheur. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer les titres de la tracklist de Lettre infinie à l’aune de ce langage faisant primer l’oral sur l’écrit, invitation à se pencher sur le sens caché de toute chose. Certains y percevront des « jeux de mots faciles », voire, comme l’écrivaient encore il y a peu certains critiques, « consternants » : c’est qu’ils passeront à côté du rôle qui leur est attribué, d’une ambition rare pour artiste de ce calibre, pour ceux qui y seront sensibles, c’est à dire sans cible :
2. Superchérie => Supercherie
3. Massaï => M’assaille
4. Logique est ton écho => Ecologique
….
9. Thérapie => Terre happy (« Happy » étant aussi le nom du chat de Matthieu)
11. Si près Si => Si précis
Demeure le mystère de la perruque dont est coiffé Matthieu Chedid. Elle est pourtant la clef de compréhension de l’ensemble, et de son unité. L’objet qui nous incite au renversement de perspective, à percevoir le sens réel, le sens caché, dans ce disque bien sûr, mais aussi à appliquer cet art du « pas de côté » en tout temps et en tout lieu. Certains ont pu y voir – à raison – un écho à la coiffe que l’artiste portait sur scène en 2009-2010, sur la tournée des Saisons de passage (de l’album Mister Mystère), et l’annonce d’un disque étincelant, invitant au lâcher-prise et à la fête.
Maintenant, retournez la pochette. Que voyez-vous ? J’ai pu lire, sur quelques rares commentaires, que certains s’y étaient essayés, distinguant un W (soit un M renversé). Mais ne distinguez-vous pas ce qui émerge désormais, au centre du visuel, en 3 dimensions ?
Une pyramide surmontée, dans un alignement parfait, par un pyramidion en or, comme l’étaient à l’origine ces vastes tombeaux, et comme l’est depuis quelques années l’obélisque de la Concorde. La symbolique se fait plus claire : les pyramides avaient pour fonction de permettre à l’âme de s’élever. Elle est ici figurée par l’or, métal précieux – et, littéralement, près des cieux.
Comme ces antiques bâtiments, Lettre infinie revêt donc une fonction, se voudra opératif. Il est une invitation à retourner, à s’attarder, à contempler, au-delà de l’évidence – tant dans le visible que dans les sons, tant dans ce disque que dans nos vies – pour faire surgir le sens premier et véritable de toute chose.
Pour qui plongera dans sa symbolique, cherchera à en percer les innombrables mystères restants (n’hésitez pas, en commentaires, à nous faire part de vos découvertes), s’ouvre une voie vers le bonheur, celle du lâcher-prise, du moment présent (la bonne heure) et de l’émerveillement.
Comme pour retrouver une part de son âme d’enfant …
Un article par 〽️eremptah – 2yeuxet1plume (depuis 2006)
Merci pour cette jolie intro, @labom 🙏🌈
Le clip de Supercherie regorge en effet de connotations liées à l’Alchimie pour qui a l’oeil Averti.Le Grand Œuvre étant de transmuter les métaux en Or…
Là où l’Invisible est dans le Visible au delà du regard…