Samedi 30 Juillet dernier, à Jazz In Marciac, Matthieu Chedid répondait à l’invitation du pianiste Yaron Herman et ses musiciens pour tenter l’expérience d’une nouvelle alchimie musicale entre Jazz ,Pop et Rock. 2h30 de concert fusionnel, dont 2h10 improvisé, un moment de communion extraordinaire pour les artistes et un public en feu, tout cela raconté par @meremptah au coeur de l’action ce soir là.
Yaron Herman et le festival jazz de Marciac (32) ont un point commun. Ils aiment à provoquer des rencontre inattendues. Le jeune pianiste de jazz l’a prouvé de nombreuses fois, comme sur son album A time of everything dans lequel il adapta des titres pop de Britney Spears ou de The Police, en 2007.
Ce samedi 30 juillet 2016, il invitait Matthieu Chedid, à l’univers musical très éloigné des contrées ternaires, le temps d’un concert unique, auparavant rodé à l’Odéon, à se produire avec lui en ouverture du plus grand festival jazz d’Europe.
Non pas pour contraindre le Machistador à se fondre dans un style autre, mais au contraire pour provoquer la fusion d’univers d’apparence dissemblables mais qui, pourtant… se superposent à merveille, comme vous allez pouvoir le constater au travers du présent article, enrichi de vidéos à même de permettre aux absents de (re)vivre numériquement ce Live unique.
Le concert de Yaron Herman et Matthieu Chedid débute, tandis que, dans la fosse aux photographes, j’arme mon Pentax K5 pour les 20 premières minutes du show pour tenter d’enrichir le présent billet de quelques clichés … assez inutilement, ma carte mémoire ayant été en partie flashée et son contenu quasi intégralement perdu, à de rares exceptions près.
Le pianiste franco-israélien débute seul au piano. Il étrenne la scène dans un registre classique pour les festivaliers, comme un habile écran de fumée destiné à masquer les fusion(s) à venir. L’âme connectée à son Steinway & Sons, il ne semble pas tant jouer qu’exprimer son intériorité. L’union de l’homme et du clavier est envoutante : son interprétation solitaire de ‘Ose Shalom’ dévoile, à ceux qui ne connaissaient pas encore cet artiste, un musicien virtuose doublé d’un être familier de ses propres émotions. Yaron n’est pas dans l’étalage technique : il quête la grâce, et y parvient.
Sur scène le rejoint pour un deuxième morceau son comparse de batteur, Ziv Ravitz, génial de touché et de lâcher-prise, pour une version chaloupée, sensuelle et en partie improvisée du titre ‘Vista‘, que les curieux pourront retrouver sur la toile en sa version originale.
Puis se présente Emile Parisien, le local de l’étape. Ayant fait ses armes au collège Jazz de Marciac aux côtés de Guy Laffite, il propose, avec son saxophone soprano, un jeu habité, dans lequel chaque note est pleinement investie, et chaque phrase musicale devient une phrase aux mots propres et jetés avec force. Il faut voir ce musicien de talent jouer de son souffle et de son corps sur ‘Papillons’, accompagné de Yaron et Ziv, pour finir de comprendre que les musiciens réunis ce soir partagent l’impératif du jeu plein, sans masques ni fard. Et le goût de l’improvisation, par cette réinvention nerveuse et instantanée du titre La confusion sexuelle des papillons paru initialement sur l’album Alter Ego de Yaron Herman.
Entre alors sur scène l’étonnant invité de la soirée, Matthieu Chedid, non-jazzman mais musicien essentiel, accompagné du discret mais excessivement doué Bastien Burger, bassiste du groupe The Dø et, par ailleurs, photographe de talent.
Les spectateurs ne s’y trompent pas, applaudissant déjà chaudement cette formation inédite : l’inattendu s’annonce. Comme lors de ce premier morceau à cinq, sobrement intitulé ‘The Jam’ sur le conducteur de la soirée, une longue improvisation ni-jazz, ni-pop, mais pleinement musicale, où les artistes semblent rechercher, dans une évidente complicité, l’équilibre subtil permettant de faire co-exister les particularismes en un tout transcendant, planant, porté, entre autres choses, par l’archet manié par -M-.
Une expérience à revivre dans la vidéo ci-dessous, réalisée par Jean-Marc Birraux:
Les titres, improvisés à 90% dans le plus pur esprit jazz, s’enchainent sous un chapiteau abritant 6.000 spectateurs sagement assis mais néanmoins transportés tout autant que déroutés par l’alliage qui se forge devant eux.
Comme sur ‘Océan’, débutant classiquement à l’oreille des amateurs de Matthieu Chedid, en guitare-voix, mais fusionnant rapidement avec les inspirations fulgurantes de Yaron, Ziv, Emile et Bastien, elles-mêmes nourrissant le jeu de -M- d’une spontanéité et d’une insouciance inscrites tant dans ses doigts que sur ses traits, animés d’un feu intérieur – presque enfantin – que je lui avais rarement vu.
Entre riffs de guitare, solos de piano, section rythmique subtile et envolées de sax, les créations instantanées à partir des standards de Yaron ou de Matthieu se succèdent : les frontières repoussées, éclatées, comme pour mieux tordre le cou aux cases qu’aiment à forger certains critiques, révèlent en son entier l’unicité des artistes que beaucoup voudraient différencier, par la MUSIQUE, au-delà des bannières artificielles.
Car c’est bien elle que les fusion(s) de Marciac, ce soir là, mirent à l’honneur.
Certains – rares – spectateurs ne semblèrent pas comprendre la philosophie de l’instant, une dame, derrière moi, se bouchant par moment les oreilles, répétant à l’envie, comme pour mieux convaincre son entourage : « ce n’est pas du jazz, ce n’est pas du jazz! ». Et ne voyant pas que, sous ses yeux, se matérialisait pourtant à la perfection la définition que donnait du jazz, en 2003, le musicologue Peter Eldson : « une musique qui réunit des qualités telles que le swing, l’improvisation, les interactions entre les musiciens du groupe, le développement d’une expression personnelle, et l’ouverture à différentes possibilités musicales ».
Et puis…avaient-ils vraiment envie, ces 5 majeurs, de proposer un concert comme Marciac en avait vécu tant d’autres ? A l’évidence non. Et, dans son presque-entier, le public ne s’y trompa pas, goûtant avec délice l’entreprise de déconstruction(s) qui s’opérait ce soir là. Car le plaisir évident du 5et et sa complicité éclatante rejaillirent irrémédiablement sur une foule réceptive, tout à tour applaudissant les improvisations de Yaron, Emile et les autres, ou scandant les refrains mélodieux de Matthieu.
Et Marciac bascula. Fut conquise par douceur. A l’aube d’un ‘Mama Sam’ de 13 minutes et d’anthologie, -M- invita les spectateurs à lâcher-prise. Ce qu’ils firent, se délectant des solos qu’un à un leur proposèrent les musiciens présents sur scène, chantant, dansant, faisant vibrer le sol du plaisir éprouvé, se re-connectant avec eux-mêmes (je vis ma mère, qui découvrait Matthieu ce soir-là, s’extérioser comme jamais, rajeunissant de 30 ans).
Un instant de communion(s) qui marquera pour longtemps l’Histoire de ce si beau festival en terres gasconnes, en cette commune qui m’est si chère.
A 0h35, le concert semble toucher à sa fin, alors que les artistes revêtent des lunettes à led en forme de -M- (au travers desquelles je me suis toujours demandé comment l’on pouvait bien voir). Ils réinventent ‘Souvenir du futur’, en un jam électrisé et jazzy, habillé d’inspirations fulgurantes et de riffs de standards célèbres, le tout prenant des allures de Gimmick imprévu.
A l’instant du salut, l’émotion est palpable dans la salle, mais plus encore entre les musiciens, semblant réaliser le caractère précieux de ce qui venait d’être réalisé, et transpirant d’une complicité, d’une fusion (là encore) palpable des âmes, déclenchant une standing ovation comme un microséisme.
Yaron Herman et sa bande prolongeaient le plaisir en deux rappels, leurs noms scandés avec passion par une foule frappant des mains à tout rompre : l’un prévu (une version apaisée de ‘Je dis Aime’, dont le nouvel habillage la faisait redécouvrir même aux plus farouches aficionados de Matthieu Chedid), l’autre pleinement improvisé, au cours duquel ‘Machistador’ fut enrichi d’un pont immense et mouvant, à mes oreilles LE morceau de bravoure du set, éclatant puis épousant toutes frontières…
Après 2h30 d’un concert unique, dont l’essentiel fut improvisé, les artistes s’éclipsèrent définitivement, mais non par l’esprit.
Car ce soir de juillet 2016, les fusion(s) de ces 5 musiciens terribles se firent effusion(s). Et Yaron Herman d’avoir ce mot : « Marciac : enfin debout ! ».
©Francis Vernhet
Il m’a semblé, intimement, que Matthieu s’était mué dans cette aventure, plus que dans d’autres. Qu’il s’y est nourrit d’un langage neuf, à même de renouveler subtilement le sien, comme l’avait fait – ou le ferait aussi – une épopée malienne…
Par ces métissages, par ces alliages, par ces découvertes humaines et musicales dont il parait ressentir un profond besoin, Matthieu Chedid se réinvente, enrichit par petites touches son ADN musical. Comme un besoin de renaitre, et de proposer, dans un futur qui se voudrait proche, un album studio qui profiterait de ces expériences, et aurait par là même sa voix propre, inédite.
En alchimiste, l’artiste augure, par sa soif de rencontres et de projets collectifs, un prochain grand disque solitaire.
Retrouvez aussi cet article sur le site de @meremptah, 2yeuxet1plume.com
Et bien bravo @meremptah pour ce beau report! 👍🏼 et merci pour les photos et vidéos
✌🏼️
Et @matthieuchedid et ta team Marciac : bravo à vous 👌🏼💙
merci @meremptah pour ce retour. Les vidéos sont superbes et pros. Ca me renvoi au concert donné à l’odéon que était je trouve plus intimiste . J’adore ce jam, Matthieu excelle dans cet exercice. Bien sûr les 4 présents avec lui sont excellents aussi. Le son d’Emile Parisien me rappelle celui d’Akosh Szelevéni lorsqu’il accompagnait Noir désir. Quant à je dis aime, l’extrait donne vraiment envie de voir l’intégralité, Matthieu n’ayant jamais abordé le morceau de cette façon.
et merci à @matthieuchedid et l’équipe @labom
Magnifique reportage, photos et vidéos qui immortalisent une magnifique et inoubliable soirée, merci @meremptah
Waaaouh, l’osmose parfaite, j’ai vécu l’Odéon, qui m’avait déjà transporté dans une atmosphère de planitude…
Mais là Marciac waah la claque rien qu’en regardant les videos…
Merci de nous permettre de vivre ne serait-ce qu’un petit bout de cette magnifique soirée.
Lucile.
Merci pour vos retours !
Ce Live Report a été partagé par la page officielle du Festival Jazz de Marciac… j’espère y recroiser certains les prochaines années, que Matthieu soit présent ou non : la programmation y est extraordinaire ! :)
Le jam est une petite merveille d’impro ! C’est la première fois que je vois jouer Matthieu à l’archet comme le ferait Jimmy Page ou The Edge, ça donne une dimension vraiment jazzy, quoi qu’en disent les puristes… Merci pour ce report !
Quant à « Océan » c’est juste un orgasme auditif !
Joli live report!!!bravo !!!
La grande classe,vraiment !!!
Merci @gagoo, @lillyb et les autres :)
merci @merenptah
très beau reportage, très belle écriture (comme d’habitude)