C’est à Pau le 13 avril dernier que Meremptah découvrait pour la première fois le nouveau concert de -M-. Il nous décrit son ressenti éclairé, son analyse si précise, en trouvant une fois de plus les mots infiniment justes pour raconter ce spectacle hors-norme. Ce billet a été initialement publié sur www.2yeuxet1plume.com, le 03.05.19
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AVERTISSEMENT – Ce billet propose une analyse sensible et métaphorique de la tournée Lettre Infinie : il en dévoile néanmoins une part du contenu. Si vous désirez préservez le mystère – sel de l’émerveillement -, nous vous conseillons de revenir le parcourir une fois que vous aurez vécu, en vous-même, cet indéfinissable spectacle.
C’est le 13 avril 2019, au Zénith de Pau, que je découvrais pour la première fois le concert LETTRE INFINIE de Matthieu Chedid, rebaptisé depuis Le Grand Petit Concert… mais qui pourrait tout aussi bien s’intituler Le grand ∞ de -M-. Un concert virevoltant, inédit, immersif…
Comme à son habitude, Matthieu Chedid surprend son monde, même ceux qui croient l’avoir pleinement cerné, et redoutent de ne plus pouvoir être étonnés. Il livre une prestation à la fois aboutie, émouvante, symbolique, ludique et, très certainement, jamais vue. Ni ici, ni ailleurs. Le concert de l’année, à n’en pas douter. Le concert d’une vie, plus que tout.
Review sensible d’une tournée qui fait du temps « le tisserand d’un rébus sans fil et sans trame », et rend tangible l’indicible, jusqu’à l’infini.
Le -M-aître temps
Le Maître-Temps, Nous expulse, Hors du temps
Par ces vers, traversant le voile des âges, Andrée Chedid questionnait, comme souvent, la mort et la fin. Mais ce sont bien ces strophes qui me sont revenues, une fois le rideau retombé. Partons de l’épilogue : avant que Matthieu ne quitte la scène, ma capacité d’analyse m’avait fuit, captive du tourbillon qui s’était déployé sous mes yeux.
Il était 23h10. Matthieu était entré sur scène voilà bientôt deux heures et demi, ne la quittant que lors de très brefs intermèdes. Deux heures trente … le spectacle avait semblé avoir si peu duré ! Quoi que … depuis quand, déjà, étions nous là ? Depuis quand communions-nous, nos âmes embrassées dans une seule chair ? « Cela faisait une éternité que je n’avais pas lâché prise comme ça ! », soufflait une spectatrice dans mon dos, mi-ravie, mi-épuisée, comme si le concert s’était étiré, en elle, sur des vies.
Reprenant mes esprits, un constat s’imposait: ce spectacle est une réussite totale !
J’avais pourtant, je le confesse, conçu quelques doutes, comme d’autres, lorsque Matthieu m’avait révélé, l’été dernier, le concept si particulier de cette tournée. Seul ? Entouré d’automates ? Sans musiciens de chair et d’os à ses côtés ? Pendant plus de deux heures ?
J’avais vu des extraits de la tournée de Stéphane Eicher, qui avait inspiré à -M- l’idée de ces instruments singuliers et autonomes. Il m’avait aussi montré ces images surprenantes d’Ed Sheran assurant, aidé de sa seule guitare et de ses pédales loop, un show d’une grande intensité devant la foule amassée au Wembley Stadium.
Mais lorsque je l’avais découvert, à la toute fin de la décennie 1990, -M- était indissociable de l’idée de groupe. Et je m’étais attaché à cette idée. Pourrait-il non pas se réinventer, mais aller jusqu’à transmuter ce qui est le plus immuable, à savoir la nostalgie qui éborgne et nous fait toujours nous réfugier dans l’aveuglant – mais ô combien réconfortant – « c’était mieux avant » ?
La prestation live de Matthieu au Quotidien, desservie par une scène ridiculement petite, un public beaucoup trop sage et, surtout, une réalisation sans relief, avait chez d’autres installé un certain trouble. Je recevais des messages inquiets, il fallait parfois que je rassure sans connaitre les contours exacts du spectacle à venir… Il faut dire que le pari était grand : lancer la vente des billets d’une tournée sans rien annoncer de son contenu, sans même confirmer la possibilité d’un nouvel album… Oui, l’incertitude dominait chez beaucoup.
Si elle ne m’avait pas trop atteint, il me fallait voir de quoi il en retournait, au-delà de l’aperçu terriblement prometteur qui m’avait été offert fin 2018, dans le cadre intimiste du nouveau Labo M.
Il était 20h45 lorsque Matthieu Chedid s’avança, seul, devant un simple rideau tendu, dans une élégante veste blanche, accompagné de sa Takamine à damiers, pour nous chuchoter le texte d’Une seule corde. Et je crois qu’instantanément, l’incrédulité céda la place, chez tous, à l’abandon. Ce spectacle serait un spectacle humain, parce que sincère.
Il serait fastidieux – et inutile – de raconter ce concert dans son intégralité. Ce billet n’a pas la vocation d’un inventaire à la Prévert. Et les surprises doivent en demeurer. Mais, après une démonstration de talent et de dextérité dont lui seul a le secret – véritable Rémy Bricka du XXIème siècle comme il s’amuse à se surnommer -, Matthieu endossa son costume rayé de blanc et de noir signé Stéphanie Vaillant, et sa perruque dorée, faisant vibrer sur sa Stratocaster Gold customisée spécialement par Sylvain Coppin les premiers riffs du hit Superchérie. Les machines entraient en jeu. Et l’espace d’un instant, on aurait pu craindre qu’elles n’étouffent le spontané.
Mais Matthieu était partout. Y compris dans ces automates – entendez « Auto-Matt » – à la conception desquels il a activement participé. Ces surprenants objets ne sont à l’évidence pas les gadgets dénaturés craints par certains : ils sont des extensions de l’artiste, et l’augmentent davantage qu’ils ne le réduisent. Ce faisant, -M- donne corps au concept de « reliance » forgé par son ami Edgar Morin, qui invite à nous départir de ce trait moderne qui consiste à s’attarder sur ce qui morcelle plutôt que ce qui rattache. « Tout objet-machine […] contient du « sujet » qui les a conçus » nous dit le philosophe.
Il suffit de les voir, comme actionnés par la pensée, dans un tourbillon de synergie créatrice, pour que cette pensée complexe prenne corps. Ce n’est pas « -M- et les machines », mais « -M- est les machines » (hommage soit aussi rendu au Brad-Roi).
Le guitariste enchanteur se mue, surtout, en véritable Cronos. Maître des cycles, il sait alterner, avec une grande justesse, temps d’ardeur – comme sur l’Alchimiste, aux atours rock rehaussés – et temps du coeur.
Et les vagues se déploient, amples et enveloppantes, tant concrètement (quelle introduction d’Océan, géniale d’inventivité, qui fait du spectateur l’acteur de ce qu’il entend!) que métaphoriquement. Tantôt la salle bout de frénésie dansante et passionnée. Tantôt elle s’apaise au repos de l’intime, s’abandonnant au rythme que déploie, subtilement, l’alchimiste du temps qu’est Matthieu Chedid.
Temps ∞
Le temps… voilà sûrement la clef de voûte qui soutient, consciemment comme inconsciemment, cet incroyable spectacle. Incroyable, pour partie, parce qu’il en tord nos conceptions classiques.
Le temps, tel qu’il nous apparaît familièrement, avance inexorablement. Que nous l’associions au progrès ou au déclin, il a un début, et une fin. Et c’est ainsi qu’il émerge parfois, subtilement, au détour de quelques tableaux du spectacle, sous la forme d’un sablier que dessinent écrans et projecteurs par des pyramides inversées, avec une finesse telle que si l’image s’imprime en nous, je doute qu’elle ait été construite à dessein.
Mais le sablier n’est-il pas, aussi, un temps qui se renverse ? Un temps fini qui, par l’action humaine, se mue en temps infini?
Le renversement de perspectives… c’est là, justement, l’autre colonne vertébrale du concert. Par les effets miroirs permis par les écrans géants. Par la mise en abîme et le jeu d’échelles permanent qui captivent et assurent pour partie le dynamisme du show. Par cette salle qui devient scène et, pour finir, cette scène qui devient la salle.
Et c’est ainsi, par le renversement de toutes choses, que Matthieu Chedid redessine le temps, comme Fulcanelli avant lui, le reforgeant pour lui donner l’aspect d’une boucle infinie. Le déroulé même du spectacle reflète ainsi cette conception cyclologique du mouvement. Là encore, le caractère conscient d’une telle conception ne peut être affirmé. Mais le nom même de l’album « Lettre infinie » qui donne sa couleur à cette tournée mérite que l’on s’y attarde un instant…
Celles et ceux ayant assisté au spectacle le savent: il se déploie en deux grandes ondulations, jointes par une communion intime, celle de la scène mobile avançant dans la fosse. Les plus attentifs auront noté que chacune de ces vagues obéit au même schéma: un crescendo progressif démarrant par une démonstration d’homme-orchestre percussif et conduisant à l’explosion des sens, adouci en son milieu par une bulle d’émotion et d’intériorité (Billie au coeur de la première vague, L’Autre Paradis au creux de la seconde).
L’enchaînement même des coiffures appuie l’idée d’une récurrence, et donc d’un schéma d’ensemble répété : cheveux au naturel => « perruque des débuts » => perruque dorée. Puis cheveux au naturel => perruque dorée => perruque « des débuts ».
Ces deux « boucles », que dessinent donc symboliquement ces deux temps forts du spectacle, se rejoignent habilement dans l’aube et l’épilogue du spectacle. Lors du premier (Une seule corde) comme du dernier (Superchérie, en acoustique) titre, Matthieu Chedid porte la même tenue sobre et élégante, accompagné de la même guitare, celle des débuts.
Dès lors, les deux vagues se rejoignent en une sorte d’ondulation infinie. Et le spectacle, conçu comme un ruban de Möbius, semble ne pas avoir de fin mais figure bien le renouveau. Comme le souligne le saisissant tableau d’un Matthieu Chedid rétrécit par le regard immense et familier de Billie, capturé par J.R. et projeté en arrière-plan le temps d’une chanson éponyme, transmission voilée de pudeur.
L’infini est là.
Dans l’héritage de celui à qui on a donné, et qui donne à son tour.
Les 20 temps de -M-
Le temps se déploie, en effet, sous nos yeux, dans un condensé de la carrière de Matthieu Chedid, mise en scène avec intelligence. Pas de « gros sabots », pas de vieux costumes ressortis de leurs étuis mais, au contraire, toujours, cette délicatesse qui permet à l’artiste d’esquisser l’histoire des 20 ans de -M- de manière presque imperceptible, dans la retenue tout autant que dans l’évidence.
Les tenues, d’abord, reflètent la subtilité de l’homme-âge. Comme ce costume inédit dessiné par Julia Stratmann, étudiante en 3ème année à l’Istituto Marangoni et qui, au-delà de sa beauté singulière, fait la synthèse de plusieurs vestes iconiques de l’artiste : elle reprend – en les déployant davantage – les revers des vestes époque « Le Baptême », « Je dis aime » et « Qui de nous deux » (par Agnes B.), les associe au bleu de la pochette d' »Îl », y greffe au verso les « M » emboîtés de celle de Lettre Infinie, et propose une esthétique générale pailletée, écho évident à La belle étoile.
Les autres costumes proposent le même aperçu instantané des 20 ans de la carrière de Matthieu Chedid: la veste « Lettre Infinie » toute rayée de noir et de blanc, signée Stéphanie Vaillant, nous projette instantanément dans la tournée des « Saisons de passage » une fois chaussées ses lunettes modèle Peggy Guggenheim, époque « Mister Mystère ». Et puisqu’il est question de lunettes : comment ne pas penser à celles que portaient -M- et ses musiciens lors de la tournée « Îl(s) » lorsque l’artiste revêt une veste immaculée au revers constellé de leds ?
Il y a, enfin, ce costume final, cette veste en cuir associée à la perruque du clip « Machistador », qui
m’a immédiatement interpellé : s’incarnait sous mes yeux une sorte de « Black Jean-Jacques », personnage un peu paumé imaginé par Matthieu dans l’un de ses tous premiers titres, Manque de cul, en 1997.
Les références, en définitive, sont légion tout autant que discrètes. Ludique, le spectacle l’est. Par ses pastilles 3D. Dans les multiples participations actives des spectateurs au show. Et dans cet intelligent jeu de piste parsemant le concert de clins d’oeils pluriels et variés, tel ce revival final et solitaire de la chorégraphie de Machistador (qui, au cirque d’hiver, était dansée sur une plateforme circulaire rappelant celle…du clip original).
Le tableau-générique du spectacle met en lumière ce récit niché – si ce n’est caché – au coeur du concert, et rend ce fil conducteur visible aux regards de ceux qui ne l’auraient pas débusqué plus tôt, par cet alignement émouvant des 6 guitares emblématiques de Matthieu Chedid, disposées chronologiquement en fonction des 6 albums auxquels chacune est associée, de la Takamine 1997 du « Baptême » à la Strat. gold 2018 de « Lettre infinie ».
Le temps qui passe se glisse, enfin, malicieux, dans des interstices inattendues. On le retrouve niché au coeur même de la setlist du concert, tel qu’il est donné dans les Zéniths depuis mars 2019.
Rappel excepté (qui peut semble t’il s’étirer sur davantage que le seul Supercherie en version acoustique), le spectacle se déploie en effet sur 20 temps musicaux …
Les 20 temps de -M-.
Tant d’ -M-
Le plus troublant, tandis que jette ces lignes plus de 2 semaines après avoir découvert cet indescriptible spectacle, est de réaliser que seul l’artiste me reste en mémoire. Cet artiste revenu sur scène, après l’apothéose dansante et bouillonnante du « Machistador » final, dépouillé de tout artifice. Même lorsqu’il nous épatait par sa capacité à jouer de 4 instruments à la fois… même lorsque les lumières, les décors et les effets virevoltaient autour de lui…nous n’avons vu que lui.
Ce qu’il a réalisé ce soir là, comme tous les autres soirs, est de l’ordre du jamais vu! Il faut presque l’écrire pour le réaliser… Aucun artiste, ni français ni étranger, n’a réalisé ce qu’il reproduit chaque soir. Outre- atlantique, il impressionnerait par sa maîtrise multi-instrumentale et ferait sensation comme nul autre artiste hexagonal auparavant, parce que la barrière de la langue voilerait aux regards des spectateurs ce qui, chez nous, magnifie l’ensemble et relègue la performance au second plan : sa profonde humanité, qui fait passer l’incroyable pour banal, dégrossi l’amusant égo-trip et explique, peut-être, le silence médiatique assourdissant qui masque au plus grand nombre l’événement véritable que constitue cette tournée hors- normes et – j’ose le mot – mythique (tout autant que mystique).
Tour à tour fantasque et intime, Matthieu Chedid s’y livre comme jamais. Quels que soient les costumes portés, restent l’être et sa sincérité. Comme une réponse définitive à ceux qui aimeraient qu’il abandonne son personnage, ou l’endosse à jamais…
-M- n’existe pas.
Il n’y a que Matthieu, sans cesse réinventé. -M- est un reflet déformant de ses humeurs… il est la part visible et lumineuse de ce que tant d’autres cachent par fausse pudeur. Il est l’émotion de l’instant, et par là même toujours inédit…
Meremptah.
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Crédits photographiques (hors collection personnelle) :
ANAKA Photographie
Laurent Sabathé / Ecran du son
Benjamin Pavone
Nicolas Leboeuf
Yann Orhan
Remerciements :
Elvina pour sa bienveillance lorsque je consacre des journées entières à mettre en forme mes idées et impressions.
Matthieu, Gabriel, Feal, Gaspard, Brad, les membres du groupe Facebook « Lettre infinie M & nous », et tous les membres de l’équipage.
Merci Merempath.
C’est tellement « ça »..
« Les 20 temps de M » comme je l’ai rêvé, et plus encore..
J’ai l’impression qu’on fête notre (son) anniversaire tous ensemble et pendant des mois..extra-ordinaires instants d’éternité, encore une fois!
🙏🏽🙏🏽🙏🏽
Tel un conteur (compte heures)
D’une histoire enracinée il y a 20 ans
Et dont les fruits et fleurs
Sèment leurs graines au vent
Il est ce passeur de mots
D’une poésie métaphysique
Ce maître du tempo
Hors Sol bio dynamique
Sans superflu
Sans artifice
Juste l’âme à nu
En sacrifice…
Je disais, je dis, je dirai M ♾
PS : Ed Sheeran à Wembley… une guitare, une voix et 80000 âmes en fusion… and I was there ✨
Merci @lillyb et @elixir :)
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