Henri Salvador aurait eu 100 ans cette année. Pour l’occasion, plusieurs artistes français reprennent ses plus beaux succès dans un album réalisé par Louis Chedid.
Henri Salvador résident essentiel de notre patrimoine musical appartient aussi et d’abord à notre propre héritage familial. Comme Georges Bassens, ses chansons se transmettent. Des parents aux enfants, de familles en familles, de nuit de veilles en soirées joyeuses, où ses chansons rythment le vivre ensemble. Si les succès d’Henri Salvador réveillent la mémoire de chacun, ils le font dans des extrêmes assez vertigineux. Pour certains, il n’est question que de fantaisie et de chansons rigolotes. Pour d’autres, ne s’imposent que la rigueur et la complexité de mélodies classées au rayon des standards immortels d’un romantisme nostalgique. C’est bien tout cela Henri Salvador, et cela ressemble de façon très exacte à l’âme française. Un paradoxe où la gauloiserie et la mélancolie fusionnent par capillarité. C’est toute la réussite du projet mené par Louis Chedid, qui, en travaillant comme réalisateur artistique sur l’album, n’a pas voulu choisir son camp.
Les treize chansons ainsi issues de ce répertoire infini, parlent en treize voix différentes d’un même homme, dont l’exigence et l’intransigeance musicale impressionnent.
Treize voix (Louis Chedid, Bénabar, Calogero, Robert Charlebois, Thomas Dutronc, Idir, -M-, Nach, MB14, François Morel, Véronique Sanson, Shirley et Dino) ré-enchantent Salvador en donnant la pleine mesure de la complexité de l’interprétation. Chacune à leur manière, elles ont oublié de bien chanter afin d’être en contact direct avec l’émotion ou le sens même de la chanson.
C’est ainsi le cas de Nach, fille de Louis, qui se souvient de son premier choc musical avec « une chanson douce ». Pour cet album tribute elle reprend « Tour de manège » qu’elle aura découverte quelques années auparavant. Rendez-vous au kiosque des émotions, où le tour de manège retient le temps et ce que l’on ne voudrait surtout jamais quitter. Anna Chédid tourbillonne avec sa voix de feu, harmonisant le blues et la féminité dans une même partition.
Avec Boris Vian, Salavador a mis en musique « Le blouse du dentiste », qui préfigure la déflagration du rock’n’roll et de l’électricité des guitares qui vont changer la face du monde. Concordance de temps et de style, il se trouve que –M- devait dans la vraie vie, à ce moment-là, subir une douloureuse épreuve dentaire. Il en résulte une version abrasive et joyeuse, dont on devine la réelle capacité d’exorcisme. La guitare de –M- traduit dans un même élan la tension et la libération. Jouissif.
Pour réussir cet album, Louis Chedid se devait en tant qu’interprète se fixer un beau challenge. Il reprend « Jardin d’hiver », chanson symbole d’une magnifique résurrection, et métaphore sur la confiance qu’il faut mettre dans le temps pour qu’il nous caresse et nous réconcilie avec nous-même. C’est tout le sens de cette chanson, signée du tandem Benjamin Biolay/Keren Ann, devenue un standard, illustrant si bien le souffle enfoui du crooner. Au-delà du plaisir naturel de chanter, Louis Chedid fait revivre cette mélancolie méditerranéenne qui se cache sous une naturelle nonchalance. Ainsi ce standard devient ici une œuvre presque identitaire, une trace indélébile qui symbolise les êtres enfin rassemblés sur eux-mêmes.
L’album ‘Henri a 100 ans’ sera disponible le 13 octobre 2017
Je ne connaissais pas du tout cette chanson de Salvador « le blouse du dentiste » !
Quel bel hommage, merci Louis et tous ces talentueux artistes !