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LAMOMALI – ‘L’albeaume’ de Matthieu Chedid, Toumani et Sidiki Diabaté

L’avis de @meremptah sur l’album malien de -M– publié sur son blog 2yeuxet1plume.com le 05 Avril 2017

Le 7 avril 2017 sortira officiellement l’album collectif de Matthieu Chedid, Toumani et Sidiki Diabaté : LAMOMALI.
Un album en guise de remède musical à nos plaies communes et profondes: l’albeaume nécessaire.

Nous avons pu le découvrir une semaine avant sa sortie: en voici notre compte-rendu, sans objectivité ni ambition autre que celle de l’émotion instantanée.


LAMOMALI dans ses différentes version : livre-disque et vinyle

Manitoumani ouvre majestueusement l’album. Tout le projet de LAMOMALI s’y retrouve résumé : l’éveil à Soi, porté par la voie apaisée de Matthieu Chedid qui slamme vouloir s’élever « au-delà des murailles de nos fausses vies ». L’ouverture à l’Autre, qu’évoque la Kora lumineuse des Diabaté en une mélodie limpide. Le retour aux Racines, que crie la voix de Sidiki Diabaté, sidérante de puissance et d’émotions lorsqu’elle célèbre le nom de son père, et l’amour qu’il lui porte. Une certaine Tristesse, enfin, lancinante et omniprésente, bien que voilée par l’habillage résolument moderne. Une nostalgie de l’insouciance qui happe dès les premières notes, à l’image d’un opus qui conjugue le bonheur (dans la forme) à la mélancolie (dans l’interprétation et l’intention).

Bal de Bamako, premier single de LAMOMALI, interprété aux côtés de Fatoumata Diawara et d’Oxmo Puccino, précise le propos de l’album : penser/panser nos plaies sans les enfouir. Danser, aimer et vivre, portés par la musique festive du trio comme par la conscience aigüe de la fragilité de l’existence, au son des bals/balles de Bamako.

L’album se pose le temps de quelques ballades afropop. Sur Cet air, la nostalgie de « ceux qui ne sont plus » s’inscrit dans un sifflement mélancolique : « chaque fois qu’une chose est sifflée, un morceau de ta vie est passé » répète Fatoumata Diawara, dans un haïku qui témoigne d’un soucis d’emprunter à toutes les poésies…de nous inciter, aussi, à vivre poétiquement.

Un Interlude tout en cordes poignantes serre l’Âme…avant que de la convoquer le temps d’un titre éponyme, qui interroge la nature humaine et pousse à plonger en soi, par delà les frontières de la chair. Comme un remède aux haines qui fracturent : considérer l’Esprit sans couleur, sans sexe ni âge, et se (sa)voir partie du Tout.

Dans un déroulé limpide, LAMOMALI nous invite ensuite au Bonheur, sur le titre le plus rassérénant de l’album. Un titre (presque) instrumental, d’où émerge la voix contreténor de Philippe Jaroussky, qui nous raccroche aux racines des musiques occidentales (ample orchestration de cordes, hommage à la musique liturgique classique) et africaines (balafon, voix pénétrante de Kerfala Kanté et choeurs de type wassoulou et isicathamiya). Une fusion subtile qui éclaire magistralement les ponts trop ignorés entre des cultures qui, pourtant, sont intimement entremêlées.


Sidiki, Toumani Diabaté et Matthieu Chedid – Trio (crédit : Laurent Segretier)

Des Racines, il en est aussi question dans Solidarité, titre choral au casting international prolixe, débutant par quelques vers de la poétesse Andrée Chedid qui appuient l’idée d’une poésie comme antidote aux méfiances obscurcissant la possibilité d’un bonheur universel : « J’ai ancré l’espérance aux racines de ma vie / Planté des flambeaux à la lisière des nuits ». L’espérance y est festive, dansante, portée par de multiples langages : anglais (Santigold), arabe (Hiba Tawaji), portugais (Seu Jorge), français (-M-, Nekfeu et Youssou N’Dour), hindi (Sanjay Khan), mandarin (Chacha). Chaque langue y envole notre humanité, dans des mots simples et vibratoires qu’enveloppent énergiquement les cordes de Matthieu Chedid, rythmées de beats groovy. Un hymne en puissance…

L’album se pose le temps de Toi Moi, questionnant l’Altérité et la nécessaire Bienveillance, inspiré du poème éponyme d’Andrée Chedid d’où est issu le mantra du projet, inscrit sur la pochette de LAMOMALI : « Toi, qui que tu sois, je te suis bien plus proche qu’étranger ». Fatoumata Diawara y envoûte par son timbre, en bambara, avant de céder la place à Louis et Matthieu Chedid, qui déclament les vers universels d’Andrée, dont l’âme franco-egypto-libanaise flotte avec amour sur l’ensemble du disque, trait d’union poétique entre les continents et les êtres. La Kora des Diabaté colore le titre d’une langueur contemplative, fixant nos regards à l’horizon négligé d’où la Lumière jaillit.

Sur L’âme au Mali, le disque se fait fougueux, intrépide et audacieux. M le Malien y retrouve Amadou & Mariam, qui l’avaient pour la première fois convié à découvrir le pays des Aigles, en 2005. Il y convie aussi la toulousaine Jain, aux influences africaines affirmées, qui y déploie son ardeur et instille son univers electro-world. Un titre résolument dansant, qui tranche par son mixage et son habillage avec le reste de l’opus, mais sonne comme une exhortation au lâcher-prise nocturne : pied-de-nez final à la terreur née des attentats de Paris et Bamako perpétrés en 2015… terreur qu’une inconditionnelle soif de vivre et d’aimer peut, réaffirmée, conjurer.


Le Quatuor de LAMOMALI (crédit : Laurent Segretier)

Mama est, de tout les titres de LAMOMALI, celui qui navigue le plus clairement dans les eaux rayonnantes de la musique mandingue. La pop occidentale s’y fait si discrète qu’elle semble s’y blottir, bercée par la matrice africaine que déploie la voix perlée de Mamani Keïta comme celle, sonore, de Moriba Diabaté. L’oreille s’y repose, en position foetale, et enracine l’âme à l’arbre-tronc de nos origines communes.

Le projet collectif se referme sur un titre instrumental, dans lequel Matthieu Chedid revêt ses habits de griot blanc – bien que l’expression le fasse sourire -, contant par cordes entremêlées, sa guitare combative embrassant la kora radieuse de Sidiki Diabaté, la geste de Koman le héros, guerrier légendaire malien et fils de Soundiata Keita, souverain mandingue du XIIème siècle dont l’épopée est au fondement des récits que les griots se sont transmis, des générations durant.

Y entendre les cordes électrisées de Matthieu Chedid incarner la vaillance du guerrier de Kong, tandis que la kora de Sidiki chante la joie de ces temps anciens, reflète ce qui nous sépare, Occidentaux, de cette sagesse africaine qui m’a marquée de son sceau le temps d’une immersion au Sénégal, il y a dix ans déjà : y vivent des sociétés démunies, parfois en proie aux pires fléaux que l’Homme enfante, mais plus capables de s’ouvrir aux joies simples – en des mots simples et des occasions simples – que nous ne parvenons à l’être.


Matthieu « LAMOMALI » Chedid par Yann Orhan

Matthieu Chedid semble vouloir partager son propre apprentissage, son éducation au bonheur, dont l’Afrique et ses fils savent imprégner ceux qui s’y ouvrent. Sans prétention, sans paternalisme, sans condescendance aucune il offre, au travers de LAMOMALI, une potion apaisante et stimulante pour qui plongera dans ses strates foisonnantes et fusionnantes, d’où émerge un son naïf et neuf, qui réinvente nos peurs et nos cultures pour les transmuter en un précieux albeaume … au coeur.

4 commentaires

  1. maguy dit :

    Bah j’irai lire tout ça une fois que j’aurai eu l’album dans les zoreilles histoire de rien enlever à ma découverte 😉

    1. Yes @maguy ;) Ceci dit, zero spoiler sonore dans le billet…j’ai fais attention a conserver un mystère maximal sur ces excellents 11 titres… hâte de lire tes impressions ! :)

  2. Bon bah y a pas grand chose a dire a part:
    Bravo!!!tres tres bien ecrit!!!

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